Less is now : les marques face au paradoxe du minimalisme
Nous le savons, les confinements successifs ont bouleversé le rapport à soi et à la consommation. Si bien que 73% de français disent maintenant vouloir se concentrer uniquement sur ce qui est important dans leur consommation… Comment les marques se rendent-elles essentielles face à un consommateur en quête de simplicité ? Parlons-en.
Less is now ?
Lorsque les consommateurs affirment souhaiter que le “monde d’après” soit construit sur des bases plus simples, plus naturelles, avec davantage de bon sens, il faut rester réaliste. La recherche de sens dans la consommation n’est pas une révolution ou une exclusivité spéciale COVID-19 ! Le “monde d’après” ressemble grandement au “monde d’avant” : le bio, la seconde main et même le 0 waste n’ont rien de neuf même si, je vous l’accorde, la crise sanitaire semble avoir exacerbée ce genre d’initiatives.
Depuis une dizaine d’années, la consommation minimaliste semble être la réponse universelle à un monde hyper-connecté, d’hyper-consommation et d’hyper-information : il permet de vivre mieux avec moins et de ne pas se laisser envahir par le flux. Mais c’est aussi – et surtout – une manière de se distinguer d’une masse symbolique qui elle, à l’inverse jouerait le jeu de la sur-consommation.
Pourtant, loin d’être réservé à des consommateurs “alternatifs”, le minimalisme est finalement devenu une mode de consommation mainstream et bankable.
Des séries, des podcasts, des articles, des livres, … En devenant une nouvelle norme comportementale, le minimalisme semble paradoxalement vendre autant qu’il conseille aux gens de ne pas acheter. Vous voyez ce que je veux dire ?
Le fantasme du minimum
Consommer moins, aller vers des produits plus simples ou qui relèvent d’une plus grande naturalité, sont autant de discours véhiculés pour valoriser un retour vers soi, un bien-être moral que tous ont cherché durant le confinement pour pallier l’anxiété. Nous revenons, dans les consommations, à des formes plus pures, sans artifice, sans conservateur, sans huile de palme, à l’essence même du produit. Cette volonté se transforme en une sorte de fantasme du minimum directement observable sur les produits de grande consommation par exemple.
L’emballage caractérisera davantage le produit par ce qu’il ne contient pas, plutôt que ce qu’il est.
“-25% de sel”, “sans couenne”, “sans sucre ajouté”, “sans huile de palme“… “Sans” est un mot mot magique et rassurant qui rappelle inconsciemment un système de promotion, et par halo, la bonne affaire. Si une réglementation européenne entrée en vigueur en 2019 interdit aux marques d’apposer l’allégation « sans » sur l’emballage de produits cosmétiques – « sans phtalates », « sans parabènes » ou encore « sans sulfates » -, il reste un argument de vente indéniable dans les autres secteurs car il reflète à la fois la transparence de la marque envers ses consommateurs, mais aussi la volonté de prendre soin d’eux. Il n’en paraît pas moins paradoxal de vouloir acheter un produit en valorisant ce qu’il n’a pas, en d’autres termes acheter pour ne pas avoir.
L’éloge de la fonctionnalité
L’idée est de réduire le produit à son usage.
Ainsi, la marque peut asseoir ses arguments d’efficacité (“les ingrédients sont minutieusement sélectionnés pour répondre parfaitement aux besoins”) et de qualité (“pas d’éléments toxiques ou incompréhensibles”). Pour ses produits, mais aussi ses gammes : certaines marques réduisent le nombre de produits en réponse à un contexte d’hyperchoix qui épuise. Les packaging aussi sont remis en cause : sont-ils nécessaires ? Non plus réservé à de petites marques émergentes, le 0 packaging, associé au 0 waste, prend le dessus. Accompagnées d’un argumentaire écologique, les marques se demandent jusqu’où elles peuvent aller pour rendre leurs produits essentiels.
En résumé, les marques s’inscrivent dans une nouvelle démarche, plus globale et en lien direct avec leur ADN : celle d’enlever le surplus, notion négative – car liée à l’excès – que l’on associe inconsciemment à la consommation. En effet, souvent considérée comme impure et destructrice, la rhétorique du minimum s’impose comme un moyen de pallier les travers de la consommation elle-même et de déculpabiliser les consommateurs. Cette démarche devient un nouvel argument de vente, en accord avec la mentalité des consommateurs qui veulent retourner à des consommations plus responsables. Les marques prouvent ainsi qu’elles méritent d’exister, et même, que leur existence est essentielle.