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Métavers : un monde virtuel pour des opportunités bien réelles

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Le 28 octobre dernier, Mark Zuckerberg annonçait le changement de nom de Facebook Inc. pour Meta. Cette décision permet à l’entreprise de mettre en avant son projet à long terme : la création d’un metaverse. Un univers fictif dans lequel des individus peuvent partager des expériences immersives en temps réel.

Second Life, sorti en 2003, est le pionnier de ces mondes virtuels accessibles au grand public. Malgré un certain succès, il est progressivement délaissé par la plupart des joueurs et ne rassemble plus aujourd’hui que des communautés d’artistes et de passionnés qui apprécient son esthétique particulière.

Afin de construire un projet durable, Meta conçoit son utopie différemment, comptant sur l’avènement de l’informatique spatialisée¹, où les interfaces s’inscrivent dans les trois dimensions au lieu d’apparaître sur un simple écran. Cette alter-réalité réunirait ainsi le travail, les loisirs, le sport, la culture pour que les utilisateurs puissent en théorie y passer l’intégralité de leur vie, ou à défaut huit heures chaque jour comme en rêve le CEO du groupe².

¹Informatique spatialisée

²Interview donnée à The Verge en juillet 2021

Ce concept de metaverse, déjà imaginé dans des œuvres de science-fiction, n’est pas encore familier du plus grand nombre alors que son marché colossal devrait peser 280 milliards de dollars en 2025.

Comment les marques vont-elles se servir du metaverse pour communiquer, alors que celui-ci peut paraître inquiétant pour une partie de leur audience ?

Ready player one, © Jaap Buitendijk - 2017 Warner Bros. Entertainment Inc. - Village Roadshow (BVI) Limited - RatPac-Dune Entertainment LLC - All Ri
Vue du Noomuseum dans Second Life, premier musée virtuel dédié à la préhistoire de la cyberculture. © Yann Minh

Transformer la réalité : une simple question de technologie ?

Afin que les utilisateurs ne soient pas totalement désorientés, et pour rendre l’expérience plus engageante, l’un des enjeux du metaverse est de faire coexister voire fusionner le réel et le virtuel. Ceci reposera en premier lieu sur des technologies et des interfaces immersives. 

Mark Zuckerberg et la plupart des théoriciens poursuivent l’idée d’un metaverse qui prolongerait le réel grâce à des lunettes de réalité augmentée (AR) ou nous transporterait dans un univers fictif au travers de casques de réalité virtuelle (VR).

À l’heure actuelle, ces technologies ne sont pas encore suffisamment au point et leurs usages ne sont pas encore adoptés par le grand public. Cependant, leur développement exponentiel permettra bientôt aux annonceurs de créer des dispositifs de communication augmentés tels que des campagnes d’affichage en trois dimensions, avec lesquelles il sera possible d’interagir et de vivre des expériences inédites. Certains jeux vidéo comme Roblox ou Fortnite ont déjà posé les bases en matière d’événementiel virtuel, avec notamment des concerts in game, mais demain, les marques devront profiter des nouveaux horizons promis par le metaverse pour faire vivre aux utilisateurs des moments plus intenses ensemble.

Lorsque le grand public aura compris tous les nouveaux bénéfices amenés par l’AR et la VR, il acceptera plus volontiers d’entrer dans un environnement totalement immersif.

Créateurs non fongibles

L’avènement d’un nouveau monde implique la naissance d’un nouveau système économique. Si les cryptomonnaies se développent depuis plus de dix ans, c’est bien dans le metaverse qu’elles risquent de trouver leur place. 

Il semble probable que les monnaies actuelles soient délaissées ou du moins reléguées au second plan dans le metaverse, afin de normaliser les échanges et de réguler l’influence de certains pays en son sein. 

Le modèle économique spéculatif actuel n’est donc pas remis en question, il va simplement évoluer pour se mettre à l’abri des jeux politiques.

Mise à part l’utilisation privilégiée de nouvelles devises, le metaverse reposera en grande partie sur “l’économie des créateurs”. Ce modèle, dans lequel les utilisateurs sont également créateurs de contenus, existe déjà, mais l’arrivée d’une plateforme où les échanges se font directement via des cryptomonnaies et où leurs réalisations sont protégées permettra sûrement de créer un système économique viable.

Déjà plébiscités, les partenariats vont se développer dans le métavers. Les annonceurs devront ainsi servir de support, d’inspiration ou fournir des outils aux individus pour qu’ils s’approprient la marque et créent des objets, des expériences ou des concepts uniques.

La valeur de ces créations sera vraisemblablement déterminée par la notoriété de la marque et la manière dont elle en fera la promotion.

© Dom Pérignon

L’achat de biens dématérialisés est courant dans l’univers du gaming et commence à se démocratiser grâce à l’avènement des NFT, qui se basent sur la technologie de la blockchain pour garantir l’authenticité d’un objet numérique. Le marché de l’art fut le premier à s’en emparer mais les marques commencent à se positionner à leur tour.

À l’image de Dom Pérignon (voir leur Pop-Up NFT avec Lady Gaga), elles ont compris que les consommateurs étaient encore attachés à l’aspect matériel d’un bien et proposent souvent une traduction physique de l’achat réalisé (une bouteille en édition limitée dans le cas de cette maison de champagne).

Cependant, vous n’êtes pas obligé de matérialiser un NFT sous forme d’un objet palpable. En effet, une stratégie tout aussi efficace est de proposer une expérience exclusive ou des avantages pour l’acquéreur. Il aura ainsi un sentiment décuplé d’appartenance à un club de quelques privilégiés. Le rappeur Booba fut l’un des premiers en France à proposer des NFT dont les acheteurs peuvent accéder à un morceau et son clip en exclusivité, mais également gagner une place de concert VIP via un tirage au sort.

Un laboratoire d’idées et d’expériences.

Les annonceurs vont également pouvoir utiliser cette plateforme pour introduire de nouvelles pratiques. Les marques pourront profiter de cette alter-réalité pour tester des nouveaux produits ou services avant de les créer dans le vrai monde. Celles-ci pourront  ainsi s’assurer de leur succès commercial avant même d’en lancer la fabrication.

Ce sera également le moyen pour elles de familiariser leurs audiences à de nouvelles pratiques pour ensuite les exporter vers la réalité. Il est même probable que des marques se créent dans le metaverse et s’y développent sans jamais avoir d’existence en dehors.

Le métaverse permettra aux individus et aux marques d’oser plus de choses que dans le monde réel. Les utilisateurs pourront personnaliser leur avatar et ainsi exprimer toute leur originalité en dépassant la barrière du corps.

Comme l’univers est fictif, les normes sociales sont différentes, laissant les utilisateurs s’épanouir et changer d’apparence dès qu’ils le souhaitent. L’avatar n’est plus seulement une représentation simplifiée de l’individu mais une incarnation de toute la complexité de sa personnalité, dans laquelle il se reconnaîtra peut-être plus que dans sa véritable enveloppe corporelle, comme c’est déjà le cas pour un jeune sur trois de la génération z ³.

Lorsque les utilisateurs du metaverse auront pris l’habitude de modifier leur corps de manière virtuelle, on peut penser qu’ils seront davantage enclins à le faire IRL (In Real Life). 

L’artiste et spécialiste en cyberculture Yann Minh est ainsi persuadé que les idéaux transhumanistes (l’humain augmenté par la technologie) se réaliseront d’ici la fin du siècle : “Nous avons effrayé nos parents quand nous sommes rentrés avec des tatouages et des piercings; vos enfants seront effrayés lorsque vos petits-enfants rentreront à la maison avec de vraies oreilles de chat et de la fourrure greffées sur le corps”.

³ Étude Vice 2021

Le métavers : stade ultime de la mondialisation ?

Si le metaverse promet de favoriser les interactions, à la fois entre les individus et entre les marques et leurs consommateurs, l’éloignement géographique ne sera pas la seule barrière abolie.

En effet, cette nouvelle plateforme se destine au monde entier, poussant apparemment vers la sortie le modèle de compartimentation d’internet que nous connaissions jusque-là. Les annonceurs ne pourront plus segmenter leur contenu en fonction de la géographie (adieu les pages .fr, .en ou .ru), mais seront-ils obligés de déployer une communication qui convient à toutes les cultures ? C’est l’un des enjeux les plus complexes auxquels les professionnels seront confrontés. 

Comment respecter des mœurs, des réglementations et des religions si différentes, tout en proposant des concepts originaux et impactants ?

Une fois encore, la co-création semble s’imposer comme réponse.

Nombre de chercheurs et théoriciens des métavers en ont un idéal décentralisé. Ils prônent une organisation horizontale et réfutent l’idée d’une entreprise privée ayant tout pouvoir sur ce monde. Pour la Docteure Maëlys Jusseaux, artiste numérique et spécialiste XR chez Opuscope, ces univers digitaux ont une vocation sociale et doivent ainsi être, tout autant voire davantage, au service des gens que des marques.

L’interopérabilité semble donc indispensable : même un métavers créé en marque blanche pour faire la promotion d’une entreprise doit être accessible sans rupture avec les autres métavers.  

L’objectif est de fluidifier au maximum le passage d’un métavers à un autre, pour rendre l’expérience toujours plus confortable et immersive.

Capacité d’un système à collaborer avec d’autres systèmes existants, sans restrictions.

Ces thèses véhiculent un idéal mais leur mise en application est loin d’être assurée. Il est légitime que chaque annonceur souhaite disposer de son métavers. Il pourra ainsi inviter sa communauté à séjourner dans un monde totalement à l’image de sa marque.   

Prenons l’exemple de Meta, aujourd’hui premier investisseur du secteur. Au vu de la puissance de cette firme possédant Facebook, Whatsapp et Instagram, pourquoi voudrait-elle partager son pouvoir ? Par pure philanthropie ? Affaire à suivre mais les précurseurs de cette industrie comme le Docteur Jusseaux craignent que le projet du groupe encadre excessivement les pratiques de ses utilisateurs et réponde avant tout à une logique mercantile.

L’exploration ne fait que commencer.

Si le metaverse tel que certains le fantasment n’existe pas encore, il est néanmoins essentiel pour les marques de préparer son arrivée dès maintenant en considérant les bouleversements qu’il serait susceptible d’induire. Cette potentielle révolution peut réinventer tout notre quotidien, de  notre manière de travailler, d’entretenir des relations sociales jusqu’à nos modes de communication. 

Comme tout concept novateur il suscite déjà quelques craintes et soulève de nombreuses questions qui restent aujourd’hui sans réponse : le metaverse va-t-il diffuser les cultures, ou au contraire pousser à leur uniformisation ? Quelle gouvernance pour ce monde pas si fictif en réalité ? Quelle position occuperont les pouvoirs publics, les ONG, les citoyens ?

Les annonceurs vont ainsi devoir y trouver leur place progressivement et développer une vraie utilité pour attirer leur audience. Pour y arriver, leur principal défi sera de proposer des expériences qui ne pourraient pas exister dans le monde réel, en espérant que celui-ci ne devienne pas trop ennuyeux en comparaison.

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