Level up pour les marques qui se prêtent au jeu (vidéo)
Depuis l’arrivée des consoles dans les années 80, les jeux-vidéo sont entrés progressivement dans nos mœurs jusqu’à devenir un des loisirs les plus populaires en hexagone. De l’étudiant au PDG, près d’un français sur deux s’y adonnerait régulièrement*.
Très tôt, des géants de la publicité ont senti l’intérêt marketing représenté par l’univers des jeux-vidéos. Dès 1982, Marlboro ou Pepsi font figure de précurseurs en plaçant leurs premiers produits “in game”. Mais à l’heure d’un marketing en quête de sens, la publicité tend à délaisser la verticalité du modèle émetteur/récepteur pour favoriser la création d’un lien plus durable, et d’une véritable interaction entre la marque et son audience, facilitant ainsi l’adhésion à son message. Les annonceurs collaborent désormais directement avec les studios qui développent les jeux pour co-créer des expériences vidéoludiques efficaces où la marque prend une place centrale dans l’expérience (gameplay) : c’est la naissance de l’« advergaming ». Ces puissants vecteurs d’émotions créent des souvenirs marquants chez les consommateurs, qui associeront longtemps le nom d’une marque aux bons moments passés à jouer.
Comment les jeux vidéos, pourtant imaginés comme de simples divertissements, sont devenus un canal de communication privilégié, allant jusqu’à rivaliser avec les médias traditionnels?
Flatter les sens pour créer une immersion
La première force des jeux vidéo est leur immense pouvoir immersif. Une immersion qui est d’abord liée à leurs qualités visuelles, les outils actuels permettant aux concepteurs d’obtenir des rendus graphiques oscillant à loisir entre réalisme et fantastique. Il s’agit là d’un excellent moyen pour les marques de façonner des univers en totale adéquation avec leur image et d’inviter leur public à y séjourner.
Une approche propriétaire que Sweet Punk a appliquée pour faire découvrir ArianeGroup au travers du jeu Minecraft. Là où un spot publicitaire classique n’aurait retenu l’attention des spectateurs que quelques secondes, l’univers graphique et l’efficacité des mini-jeux créés pour cette opération ont poussé les joueurs à passer des heures entières dans le monde d’ArianeGroup. Plutôt que d’adopter une attitude passive face aux informations, les gamers, séduits par l’univers onirique du jeu, se sont volontairement intéressés aux contenus pédagogiques disséminés dans les niveaux, première clé de la mémorisation.
Les jeux vidéo, stade ultime du storytelling
Qui ne s’est jamais couché trop tard à cause d’un chapître absorbant ou raté son arrêt de métro à cause d’une intrigue captivante ? Même sans image, le storytelling a cette puissance de permettre l’évasion car l’immersion est encore plus grande lorsqu’elle s’accompagne d’une bonne histoire, et quand la vidéo s’ajoute au récit, sa force s’en trouve décuplée.
Histoire, image et interaction, les jeux vidéo atteignent le stade ultime du storytelling. Au-delà d’assister à un film et de s’identifier au héros, l’utilisateur va jusqu’à l’incarner totalement. Il ne vit plus une histoire mais son histoire. C’est en s’appropriant l’expérience que les émotions se décuplent et que celle-ci devient vraiment inoubliable.
En appliquant ce procédé, le label de rap américain Def Jam a créé l’une des plus grandes icônes vidéoludiques des années 2000 : Def Jam : Fight for New York. Dans ce jeu les joueurs doivent gagner le respect de toutes les stars du hip hop américain dans un scénario adroitement ficelé, le tout sur une bande son à faire vibrer tous les amateurs de rap.
Quasiment vingt ans plus tard, des millions d’enfants de l’époque comme moi associent toujours le nom de la maison de disques à la nostalgie de ces bons souvenirs et n’oublieront jamais les noms des artistes qui ont fait son ascension.
Détourner les jeux : un pari qui peut s’avérer risqué
Sans aller jusqu’à créer un jeu de toutes pièces, les annonceurs prennent souvent le parti de modifier une licence existante pour délivrer leur message. L’idée est bien souvent de profiter de la notoriété d’un jeu pour se manifester auprès de sa communauté et tenter de se l’approprier, mais attention au bad buzz ! Si la publicité vient perturber voire gâcher l’expérience du joueur c’est le rejet assuré.
L’échelon le plus simple réside dans l’intégration des produits de la marque au sein d’un mode de jeu (un placement de produit augmenté), à l’image des raquettes de tennis Head qui améliorent vos performances dans le jeu Top Spin. L’idée que le matériel de cette marque permet d’améliorer son niveau sur les courts passe ainsi discrètement, sans trop perturber le gameplay des joueurs.
Si vous êtes d’humeur plus audacieuse, créer un nouveau mode de jeu peut être une solution. Vous adapterez alors l’univers virtuel dans le but de transmettre votre message. C’est le cas de la Croix Rouge qui s’est associée à Fortnite en 2020 en inversant totalement les règles du jeu : l’objectif n’est plus d’être le dernier survivant mais de sauver un maximum de vies et de reconstruire des infrastructures, à l’image des actions de l’ONG sur les champs de bataille. Largement relayée et streamée par des influenceurs célèbres, cette opération a fait grand bruit au sein de la communauté des gamers, sensibilisant des millions d’utilisateurs.
Un canal de discussion privilégié avec certains publics
Alors qu’un joueur en ligne sur deux à moins de dix-huit ans, les jeux-vidéos deviennent une plateforme de communication privilégiée pour entrer en contact avec les générations Z et alpha.
L’association l’Enfant Bleu s’est ainsi brillamment emparée du sujet des violences infantiles en créant un personnage dans Fortnite par l’intermédiaire duquel les enfants victimes de maltraitances pouvaient entrer en contact direct avec les bénévoles de l’ONG. À la manière d’une hotline traditionnelle, ils pouvaient ainsi se confier sur leurs souffrances dans le secret de leurs parents agresseurs.
La présence de l’Enfant Bleu au sein de cet univers vidéoludique familier des plus jeunes, permet de les toucher dans leur zone de confort et d’instaurer un climat de confiance éminemment nécessaire pour libérer la parole de ces victimes.
Exploités comme canal publicitaire depuis leur naissance, les jeux vidéo sont en train de devenir un média incontournable en matière de communication. Ils sont entrés dans le quotidien de la majorité des français, révolutionnant nos usages et nos relations sociales si bien qu’ils constituent un canal de discussion privilégié entre les annonceurs et leurs audiences. Storytelling, immersion, émerveillement, les stratégies sont multiples pour toucher des cibles parfois inaccessibles sur d’autres médiums, mais une chose est à retenir pour réussir ce type d’opération : c’est en mettant l’accent sur le plaisir de jouer que le message passe le plus efficacement.
*Étude SELL x Médiamétrie 2020