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L'enfer, c'est le genre : la place de la femme dans la publicité

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Quand elle n’est plus ménagère, elle devient objet de désir. Voilà à quoi s’est trop longtemps résumée la condition féminine dans la publicité. Une idéologie de la beauté pourtant loin d’être anodine.

Nous sommes en 2022 et la culture du régime, donc par extension celle de la privation, s’est désormais normalisée. Du “régime minceur” nous sommes passés au “régime healthy”, mieux brandé, moins clivant, mais tout aussi dangereux. Pourtant, en 2008 déjà, le ministre de la Santé nous alertait en reconnaissant que les images de mannequins très maigres favorisent le développement des troubles alimentaires chez les adolescentes.
Soumises aux normes aliénantes d’une beauté stéréotypée et sexiste, les femmes doivent redoubler d’efforts pour atteindre l’épanouissement personnel, pour se développer au même titre que les hommes.

Alors, à l’heure où le couple égalité des genres/santé mentale fait figure de priorité sanitaire comme sociale, comment prendre nos responsabilités ?

La “superwoman” ou l’histoire d’une manipulation par le genre.

Pendant la deuxième guerre mondiale, la pénurie de main-d’oeuvre permet à 6 millions de femmes de trouver un emploi, posant la première pierre de leur émancipation. Une victoire relative qui ne tarde pas à prendre un tournant cynique. Car entre reconstruction et révolution sexuelle, les trente glorieuses voient cohabiter l’épouse idéale, mère au foyer dévouée et la femme libérée, qui a soif de vie et d’aventures.

De la fusion marketing de ces deux icônes de la féminité naîtra dans les années 80 l’incarnation de la femme parfaite sous les traits de la superwoman, maman et working girl aux courbes sulfureuses.
Un pas vers l’égalité ? Peut-être, mais il leur faudra d’abord affronter des journées à rallonge et des tâches qui s’accumulent, nourrissant la désormais fameuse charge mentale.

Video killed the girl power.

Dans les années 90, la télé est à son apogée et internet fait son entrée dans nos foyers. Plus que jamais la représentation des femmes prend une tournure déplorable. Hyper sexualisées sinon superficielles et obsédées par leur apparence, les femmes sont réduites au fantasme. Une image qui plaît aux publicitaires et plus encore aux marchés financiers. Car la femme objet, réduite à son statut marchand, fait vendre.

 

« Comment avoir confiance en soi quand, toute la journée, des messages publicitaires nous disent que nous sommes avant tout des corps destinés à servir les désirs et les besoins des autres ? »

Un cri du cœur à demi-entendu. En 2007, une publicité produite par Dolce & Gabbana suggérant des violences sexuelles a suscité une vive indignation en raison de sa représentation de la femme, impuissante et soumise et de la banalisation du crime. Mais malgré ce bad buzz, qui fait office de frontière à ne plus franchir, une femme sur 10 est aujourd’hui encore montrée dans une tenue « sexualisante » : soit six fois plus que les hommes.
Alors, que pouvons-nous faire pour mettre un terme à ces inégalités et déconstruire des stéréotypes que nous avons pourtant largement alimentés au cours des dernières décennies ?

Contre les stéréotypes, des identités plus fluides.

Si le genre a toujours été considéré de manière très normative et binaire, c’était sans compter sur la détermination des millenials et autres GenZ grâce à qui l’heure est désormais à “la fluidité”. Une évolution des normes et des dogmes en faveur de plus de tolérance, de diversité et d’acceptation qui considère le genre et la sexualité comme des constructions “fluides”, non figées, qui ne doivent donc pas servir à définir les individus. Ainsi, 82% des membres de la Gen Z estiment que le genre ne définit plus une personne autant qu’avant et 56% d’entre eux disent connaître quelqu’un se définissant par un pronom non sexiste.

Fluide, non-binaire et non-genré… est-ce là l’avenir du message publicitaire ?

C’est en tout cas ce que nous apprend une étude Branz de Kantar Millward Brown de 2017. Les marques qui communiquent de façon inclusive génèrent un plus gros chiffre d’affaires. Une marque qui vise indifféremment les hommes et les femmes est en moyenne valorisée à 20,6 milliards de dollars, contre 11,5 Mds $ pour les hommes et 16,1 Mds $ pour les femmes. Les marques auraient ainsi tout à gagner à choisir l’inclusivité.

De courageuses initiatives.

Consciente de l’enjeu, l’Autorité des normes publicitaires du Royaume-Uni a déclaré dans un communiqué en 2019 qu’elle interdirait les publicités associant des caractéristiques physiques à la réussite dans les sphères sociales ou qui attribuent des traits de personnalité genrés. Outre-manche, fini donc les petits garçons forts et courageux, les petites filles propres et sages, les papas qui ne savent pas faire la vaisselle ou changer les couches, et les mamans qui font passer les tâches ménagères avant leur propre santé…

Malgré un retard édifiant, un secteur fait course en tête, celui du jouet et des produits liés à l’enfance. Cette évolution est due à la reconnaissance générale du rôle que les jouets jouent très tôt dans la construction d’une identité fondée sur des stéréotypes de genre. Si la route est longue, les améliorations sont significatives et les fabricants veillent désormais à éviter les associations de genres.

La publicité n’est pas en reste, en 2017, à l’occasion du festival de la publicité Cannes Lions, une dizaine de grands groupes ont annoncé le lancement du projet « Unsterotype Alliance », ayant pour but « d’éliminer les stéréotypes dans la représentation des sexes dans la publicité ». Cinq années et un #MeToo plus tard, les consciences se sont éclairées, les initiatives se sont multipliées, mais le chemin vers l’égalité reste encore un vœu pieux.

@Lejeupourtous

Un combat sans fin ?

Mais est-il bien sage de plonger tête baissée dans la “révolution fluide” sans en anticiper les dérives. Jusqu’où aller dans l’ère du “toujours plus neutre” avant de s’apercevoir que ce discours, que l’on pensait idéaliste, porté par une génération bienveillante et pleine d’espoir est peut-être en réalité un nouveau mécanisme inventé de toute pièce pour nous asservir davantage, pour gommer notre désir d’affirmation et endiguer l’étincelle d’empowerment au féminin.

À qui profitera vraiment ce combat si l’on ne s’en empare pas ? Aux femmes, enfin égales absolues des hommes par la dissolution totale des normes et des discriminations ?
Ou à ceux qui verront l’opportunité de faire peser de vicieux et trop nombreux diktats sur de nouvelles victimes, jusqu’alors relativement épargnées par leur genre, les hommes ?

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